Les manipulations cervicales sont-elles dangereuses ?

mobilisation cervicale

Entre efficacité, perception et sécurité : un regard éclairé par la science

Les manipulations cervicales ont longtemps été au cœur des débats entre professionnels de santé, patients et médias. Certaines voix les présentent comme miraculeuses pour soulager les douleurs cervicales ; d’autres les accusent de représenter un danger, notamment en lien avec les dissections artérielles. Alors, que dit réellement la science ? Les bénéfices sont-ils réels ? Les risques sont-ils exagérés ? Voici un tour d’horizon fondé sur les meilleures données actuelles.


🔍 Ce que la science révèle sur les effets des manipulations cervicales

1. Un soulagement de la douleur rapide et mesurable

Les manipulations cervicales font partie de l’arsenal de la thérapie manuelle, et leur efficacité analgésique est bien documentée. L’un des mécanismes proposés est le “gate control” : un concept selon lequel des stimuli non douloureux (comme le toucher ou la manipulation) peuvent inhiber la transmission de la douleur au niveau de la moelle épinière. C’est ce que confirme l’étude de Braz et al. (2014), qui détaille les circuits inhibiteurs de la douleur dans la moelle.

Dans la même lignée, Mancini et al. (2015) ont montré que le simple toucher inhibe l’activité nociceptive au niveau cortical et sous-cortical. En clair, la manipulation ne se contente pas d’agir localement : elle module le traitement central de la douleur.


2. Une action anti-inflammatoire documentée

L’inflammation est souvent à l’origine ou le résultat d’un état douloureux chronique. Des travaux comme ceux de Teodorczyk-Injeyan et al. (2006) ont mis en évidence que la manipulation vertébrale permettait une réduction significative de certaines cytokines pro-inflammatoires (comme l’IL-6), sans pour autant influencer la substance P. Cette modulation du système immunitaire pourrait expliquer une partie de l’amélioration symptomatique observée chez les patients.


3. Libération de substances neurochimiques naturelles

La thérapie manuelle induit également une libération endogène de substances aux propriétés analgésiques puissantes : sérotonine, bêta-endorphines, cannabinoïdes endogènes… Toutes ces molécules sont capables de moduler la douleur, l’humeur, et le bien-être. C’est ce que synthétise l’article de Bishop et al. (2015), qui rappelle que la relation patient-thérapeute, le toucher, et le mouvement peuvent modifier profondément l’expérience subjective de la douleur.


🧠 La manipulation, un levier pour changer la perception du corps et du monde

4. Douleur chronique : quand le cerveau “oublie” le corps

Chez les patients atteints de douleurs chroniques, il ne s’agit pas seulement d’un problème de tissu, mais souvent d’une altération de la représentation corporelle au niveau du cortex. L’homonculus sensoriel, cette carte cérébrale du corps, peut être “distordue”, ce qui participe à la persistance de la douleur. C’est le point soulevé dans l’étude marquante de Moseley (2008).

La manipulation pourrait ainsi servir de signal correctif au cerveau : elle remet du mouvement, de la stimulation sensorielle et du sens dans une zone souvent figée par la douleur.


5. Intégration sensorimotrice et amélioration du schéma corporel

Des recherches comme celles de Haavik-Taylor & Murphy (2007) ont démontré que les manipulations cervicales modifient l’intégration sensorimotrice, mesurée par des potentiels évoqués somesthésiques. Autrement dit, elles réajustent la communication entre le corps et le cerveau.

Cela rejoint les travaux de Longo (2015) et de Nishigami et al. (2015), qui montrent que chez les patients douloureux chroniques, l’image mentale du corps est souvent altérée. Restaurer cette image par le toucher et le mouvement est une piste thérapeutique prometteuse.


✅ Que disent les revues systématiques sur leur efficacité ?

6. Efficacité contre les cervicalgies : la synthèse Cochrane

Une revue systématique Cochrane de Gross et al. (2015) a comparé les manipulations et mobilisations cervicales à d’autres traitements (ou à l’absence de traitement). Elle conclut à une efficacité modérée pour réduire la douleur et améliorer la fonction à court et moyen terme.

Il est important de noter que ces résultats sont comparables à ceux d’autres approches non invasives comme les exercices ou les thérapies cognitivo-comportementales, ce qui place la manipulation au sein d’un éventail thérapeutique global.


⚠️ La question qui fâche : les manipulations cervicales sont-elles dangereuses ?

7. Dissection artérielle : un risque réel mais rare

Les dissections artérielles (carotidiennes ou vertébrales) représentent le principal argument utilisé contre les manipulations cervicales. En effet, une dissection peut provoquer un accident vasculaire cérébral, un événement grave et parfois dramatique.

Mais attention : la recherche actuelle, dont celle rassemblée dans le guide de l’IFOMPT, montre que la corrélation temporelle entre manipulation et dissection ne signifie pas nécessairement causalité. De nombreux cas documentés présentent des symptômes de dissection avant la consultation. La manipulation pourrait ainsi survenir après le début de la dissection, et non en être la cause.


8. Comment sécuriser la pratique ?

Le guide international de l’IFOMPT, traduit par OMT France, fournit une démarche clinique rigoureuse pour détecter les contre-indications. Il insiste sur :

  • La recherche de signes neurologiques (diplopie, dysarthrie, vertiges, nausées, troubles visuels),

  • Les antécédents familiaux ou personnels d’atteintes vasculaires,

  • La prudence en cas de douleurs atypiques ou récentes.

Une manipulation ne devrait jamais être réalisée sans une évaluation clinique complète. Un professionnel compétent n’hésite pas à reporter une manipulation s’il détecte la moindre incertitude.

🗣️ Conclusion

Les manipulations cervicales ne sont ni magiques, ni diaboliques. Ce sont des outils thérapeutiques puissants qui, bien utilisés, peuvent soulager, mobiliser, et redonner confiance au patient. Les risques existent, mais ils sont rares, identifiables, et évitables si le professionnel est bien formé.

👉 Vous souffrez de douleurs cervicales ? Consultez un praticien qualifié, capable d’évaluer vos besoins et vos risques. La science est de votre côté.

📚 Bibliographie

  • Braz, J., Solorzano, C., Wang, X., & Basbaum, A. I. (2014). Transmitting pain and itch messages: a contemporary view of the spinal cord circuits that generate gate control. Neuron, 82(3), 522-536. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4492533

  • Mancini, F., Beaumont, A. L., Hu, L., Haggard, P., & Iannetti, G. D. (2015). Touch inhibits subcortical and cortical nociceptive responses. Pain, 156(10), 1936–1944. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26058037

  • Teodorczyk-Injeyan, J. A., Injeyan, H. S., & Ruegg, R. (2006). Spinal manipulative therapy reduces inflammatory cytokines but not substance P production in normal subjects. Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics, 29(1), 14-21. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16396725

  • Bishop, M. D., Torres-Cueco, R., Gay, C. W., Lluch-Girbés, E., Beneciuk, J. M., & Bialosky, J. E. (2015). What effect can manual therapy have on a patient’s pain experience?. Pain Management, 5(6), 455-464. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4976880

  • Moseley, G. L. (2008). I can’t find it! Distorted body image and tactile dysfunction in patients with chronic back pain. Pain, 140(1), 239-243. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18786763

  • Haavik-Taylor, H., & Murphy, B. (2007). Cervical spine manipulation alters sensorimotor integration: a somatosensory evoked potential study. Clinical Neurophysiology, 118(2), 391-402. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17137836

  • Longo, M. R. (2015). Implicit and explicit body representations. European Psychologist. https://psycnet.apa.org/record/2014-45775-001

  • Nishigami, T., Mibu, A., Osumi, M., Son, K., Yamamoto, S., Kajiwara, S., Tanaka, K., Matsuya, A., Tanabe, A. (2015). Are tactile acuity and clinical symptoms related to differences in perceived body image in patients with chronic nonspecific lower back pain? Manual Therapy, 20, 63–67. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25081221

  • Gross, A., Langevin, P., Burnie, S. J., et al. (2015). Manipulation and mobilisation for neck pain contrasted against an inactive control or another active treatment. Cochrane Database of Systematic Reviews, 23(9), CD004249. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26397370

  • IFOMPT (International Federation of Orthopaedic Manipulative Physical Therapists) (2020). Guide international pour l’examen de la région cervicale, prévention des dissections artérielles cervicales. Traduction française : OMT France. https://www.omt-france.fr/guide-international-de-lifompt-pour-lexamen-de-la-region-

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